Cours de méthode scientifique avec Urbain Le Verrier

 Comment fonctionne la Science ? On peut sans doute résumer l'acquisition des connaissances scientifiques par un constant aller-retour entre l'hypothèse et l'observation du réel.

Une observation discordante amène le scientifique à revoir son hypothèse première pour en reformuler une seconde et observer sa concordance avec le réel. Inversement une hypothèse discordante avec l'observation peut amener le scientifique à réviser son observation du réel.

Si hypothèses et observations du réel se superposent on parle alors de connaissance.

Cela définit ainsi les deux outils méthodologiques dont dispose le scientifique (tels que les décrit très bien Etienne Klein dans ses interventions) : 

L'approche législative, qui consiste à changer la loi (l'hypothèse, l'équation...) pour coller à l'observation

L'approche ontologique, qui consiste à mieux observer pour coller à l'hypothèse.

La carrière d'Urbain Le Verrier (1811-1877) permet de très bien illustrer ces deux approches. Mathématicien français, astronome et spécialiste de mécanique céleste, il reste célèbre pour avoir découvert par la force du calcul l'existence de Neptune.



La planète Uranus, découverte par William Herschel en 1781, présentait en effet des irrégularités par rapport à l'orbite qu'elle aurait dû avoir suivant la loi de la gravitation universelle d'Isaac Newton. Le Verrier postule que ces irrégularités peuvent être provoquées par une autre planète, encore jamais observée. Solution ontologique devant une discordance entre hypothèse et observation !

Encouragé par François Arago, Le Verrier se lance en 1844 dans le calcul des caractéristiques de cette nouvelle planète (masse, orbite, position), dont il communiquera les résultats à l'Académie des Sciences le 31 août 1846.

Johann Galle, observa le nouvel astre le jour même où il reçut sa position à 5 degrés près par un courrier de Le Verrier. 

Concordance entre réel et hypothèse : Neptune devient la 8ème planète du système solaire. 

Mercure est une autre planète dont les légères perturbations de l'orbite  ne collaient pas aux équations newtoniennes. Le décalage des périhélies de Mercure  (43 secondes d'arc par siècle !) posera en effet des problèmes aux astronomes pendant tous le XIXème siècle. 

Le Verrier disposant d'un bon marteau méthodologique voulut renouveler l'exploit de Neptune. Armé de sa plume il émit l'hypothèse d'une petite planète plus proche encore du Soleil que Mercure, et qui venait perturber la trajectoire de celle-ci. On lui trouva un nom : Vulcain.

Le Verrier tança tous les astronomes de son temps pour qu'ils recherchent cette fameuse planète manquante, mais personne ne confirma l'hypothèse du mathématicien. 

La solution vint bien plus tard, par la révolution législative que fut la Relativité générale. En effet les équations d'Einstein viennent bouleverser l'équilibre Newtonien du système solaire et en 1915 Einstein démontre par le calcul que l'hypothèse Vulcain n'est plus nécessaire. Les équations sont dorénavant en accord avec le réel : solution législative.


Aujourd'hui les astronomes sont confrontés à un autre gigantesque conflit entre équations  et observations cosmologiques. En effet si nous conservons les lois actuelles de la gravitation il manquerait beaucoup de matière à l'Univers observable pour expliquer son comportement (mais vraiment beaucoup !). On est très loin des 43" par siècle de Mercure, il nous manque 95% de l'Univers !

Certains penchant pour la solution ontologique, l'hypothèse "Neptune", explique ceci par l'existence d'une matière et d'une énergie noire dont nous ne connaissons rien si ce n'est son effet observable sur la matière "traditionnelle". D'autres travaillent sur une révolution législative...

Qui résoudra cette discordance entre observation et équation ? La découverte de la nature de la matière noire ou l'élaboration d'un nouveau système d'équation ?