« Il a fallu sans doute beaucoup
de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de
villes en si peu de temps.» C’est ce qu’écrivait Paul Valéry dans « La
Crise de l’esprit » en 1919, au lendemain de la première guerre mondiale.
Les horreurs de la seconde guerre
mondiale nous font oublier à quel point les déluges de bombes, les gazs
toxiques, les millions de morts de la première guerre mondiale ont marqué
profondément la réflexion intellectuelle de l’entre deux guerres. Les artistes découragés par le réel le
fuiront dans le Surréalisme, une potacherie prise très au sérieux par André
Breton et ses amis.
D’autres, devenus résolument,
absolument pacifistes, ne voudront pas voir l’horreur nazi et verseront même
dans une collaboration molle pour ne plus voir le sang couler (on pense à Giono
ou Alain par exemple).
En Allemagne l’école Heideggérienne
produira une critique de la Technique, ferment du nihilisme contemporain (cela
n’empêchera pas Heidegger d’adhérer au parti nazi, mais passons…) La critique
de la Science et de la Technique se poursuit chez ses élèves notamment chez Gunther
Anders qui questionnera la Science responsable de la bombe atomique et Hans
Jonas qui dans son Principe de responsabilité en 1977 proposera de remplacer la
Rationalité, responsable des pires horreurs nazis, par la Peur dont la
puissance est à même de guider les peuples.
Souvenons-nous qu’en 2005, la
France adoptera le principe de précaution et l’inscrira dans sa constitution,
conséquence pratique et directe du principe de responsabilité.
La Science est-elle à jeter avec
l’eau sanglante du bain de la guerre ? C’est une question que l’on peut se
poser en regardant notre sélection de livres anciens cette semaine sur LivresAnciens.com.
Science et Guerre ont toujours été intimement liés. Vous
pouvez en complément écouter ce podcast de La Méthode scientifique sur le
sujet : https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-science-un-art-de-la-guerre
Les Mathématiques aux artilleurs,
les polytechniciens portent d’ailleurs toujours l’uniforme du régiment des
canonniers ; la Physique au service de la bombe nucléaire ; la Chimie
au service des crimes nazis….on pourrait faire un triste inventaire à la
Prévert.
Mais si du gourdin préhistorique
à la Tsar Bomba, les conséquences de la guerre changent complètement de mesure,
ne faut-il pas d’abord interroger l’intention et non l’outil ? C’est en
effet la même métallurgie qui produit le soc et l’épée.