L’Anatomie
a toujours passionné autant les médecins que les artistes. Notamment à partir
de la Renaissance où les arts connaissent une rupture dans la représentation du
réel, la ressemblance (et vraisemblance) prédomine et nécessite une meilleure
connaissance des formes : perspective pour les paysages, anatomie pour les
corps.
Léonard
de Vinci et à sa suite nombre artistes de la Renaissance participeront ainsi à
des dissections et nous laisserons nombre d’études de parties de corps humain.
André
Vésale est le premier à proposer à l’impression un traité d’anatomie que l’on
pourrait qualifier d’artistique avec son De corporis humani fabrica libri septem (1543). Il reste pendant des
siècles la référence, et sera repris par Roger de Piles au XVIIème siècle dans son Abrégé d’anatomie accommodé aux arts de
peinture et de sculpture (1668). Roger de Piles y insiste sur le fait que
les artistes doivent connaitre l’anatomie des corps pour pallier aux faiblesses
des modèles. (Vous trouverez l’édition de 1760 sur notre site : https://www.livresanciens.com/index.php?livre=2674)
Le XVIIIème nous laisse de très beaux atlas
d’anatomie. Le plus spectaculaire est sans doute ceux contenant les grandes
planches en couleurs de Gautier D’Agoty (Catalogue Eric Zink I, 32 et II,63),
mais il faut bien avouer que ces planches sentent plus l’anatomie que l’art...
(Plus le cadavre que le vivant comme dirait Jean François Debord). Nous
préfèrerons largement aller voir du côté de Gamelin et son Recueil d’ostéologie
et de myologie (Catalogue Eric Zink VI, 40) pour des planches expressives et
des squelettes vivants. Le traité de Gamelin sera d’ailleurs une des sources
d’inspiration de Goya.
Au XIXème siècle la rupture s’opère petit à
petit entre l’anatomie pour les médecins et celle pour les artistes. En 1845,
Julien Fau est le premier à consacrer l’expression « Anatomie
artistique » et donne des cours aux Beaux-arts de Paris. A sa suite
viendront enseigner à la chaire d’anatomie des Beaux Arts : Paul Richer
(1849-1933), Henry Meige (1866-1940), Paul Bellugue (1892-1955), Pol Le Cœur
(1903-1996) et enfin Jean François Debord (1938 - )
Jean François Debord fut enseignant de
morphologie (il tient à ce terme plutôt qu’anatomie) aux Beaux-arts de 1978 à
2003. L’an dernier l’Université PSL a mis en ligne sur sa chaine Youtube la
captation de la dernière année de cours magistral (2002-2003) donnée par Jean
François Debord aux Beaux-arts de Paris. Il est dommage que la captation n’ait
pas été à la hauteur de l’enseignement donné et on regrettera que les cours aient
été mis pêle-mêle (il faudra retrouver la logique d’enchainement soi-même)…mais
ce sont ainsi plus de 40 cours de près 2h qui sont disponibles ici :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLYnh6UuzuHLtlgap6QPtov3MhLmWeIrEp
Le
contenu du cours est aussi passionnant qu’immuable : Debord choisit une
position, dessine à la craie sur son grand tableau coulissant, un rond pour la
tête et une courbe pour la colonne… puis les os se dessinent, les muscles se
posent…et peu à peu les formes apparaissent, le corps est là. A la fin du
cours, le professeur projette des photos de corps en mouvements, puis des
exemples tirés des œuvres sculptées, peintes et dessinées. Ainsi les
études de Rembrandt, Goya, Daumier prennent tout leur sens.
L’originalité
du cours de Jean François Debord est de ne jamais oublier qu’il dessine des
corps qui vivent, dansent, rient, aiment. Les nombreuses anecdotes de vie dont
il parsème son cours nous le rappelle à chaque instant et c’est une grande
humanité qui se dégage du personnage. Debord nous apprend à mieux regarder les
corps qui vivent.
Nombre
de dessinateurs actuels auront suivi ses cours et s’en réclament : Joann
Sfars, Frédéric Delavier, Jean Baptiste Sécheret, Delphine Garcia… Agnès Maupré
lui consacrera un album de BD « Petit Traité de morphologie d'après les cours donnés par Jean-François
Debord à l'école des Beaux-Arts de Paris de 1978 à 2003 ». (éd. Futuropolis, 2008)
Jean François Debord contrairement à son
prédécesseur Richer ne laisse pas de traité d’anatomie, il déteste d’ailleurs
l’œuvre de Richer « qui sent trop le cadavre »). On pourra quand même
retrouver de courts textes de lui dans le catalogue de l’exposition
« L’Ame au corps » donnée au Grand palais en 1993 et celui qu’il
consacra en 1999 à Duchenne de Boulogne « Duchenne de Boulogne 1806-1875.
Exposition 1999 ».
Lui qui fut élève de Cassandre (1901-1968), consacre
désormais sa retraite à sa passion première : la peinture. Il vient même
d’exposer quelques toiles sur un compte instagram : https://www.instagram.com/jeanfrancoisdebord/