Le prix Abel, l’une des plus prestigieuses récompenses scientifiques en mathématiques avec la médaille Fields, est attribué tous les ans en mars. Dennis Parnell Sullivan pour sa contribution à la topologie.
https://abelprize.no/abel-prize-laureates/2022
Ce prix a été créé en 2003 par l’Académie norvégienne des Sciences sans doute dans une gentille concurrence scandinave avec les prix Nobel Suédois. Car comme chacun sait il n’y a effectivement pas de prix Nobel de mathématiques.
La médaille Fields, créée en 1936 avait tenté de combler ce vide, mais elle n’est attribuée que tous les 4 ans à un mathématicien de moins de 40 ans. C’est donc plus un prix d’encouragement qu’un prix qui vient couronner une carrière comme sont les Nobels. C’est le prix Abel qui est le véritable pendant en mathématiques des prix Nobel : les lauréats sont désignés tous les ans et le prix vient récompenser une vie de recherche.
Le premier lauréat du prix Abel en 2003 fut, cocorico, Jean Pierre Serre. Né en 1926, inconnu du grand public (il ne porte ni lavallière ni broche arachnide), il est considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du XXème siècle. Il reçut déjà la médaille Fields en 1954 pour ses travaux sur les fondements de la géométrie algébrique, et reçu donc le prix Abel en 2003 pour « pour avoir joué un rôle clé dans l'élaboration dans leur forme moderne de plusieurs domaines des mathématiques comme la topologie, la géométrie algébrique et la théorie des nombres ».
Vous pouvez l’écouter dans une interview où il revient sur sa carrière ici :
Le prix Abel fut créé en hommage au mathématicien norvégien Niels Henrik Abel (1802-1829), qui eut une carrière mathématique d’étoile filante, très brillante mais très brève. Il se consacre pleinement à la recherche en mathématiques à partir de 1822 et commence à voyager à travers l’Europe. Il arrive à Paris en 1826 mais n’arrive pas à pénétrer le cénacle des mathématiciens parisiens qu’il souhaitait rencontrer. Il arrive tout de même à transmettre à l’Académie des Sciences un mémoire dont l’introduction sera présentée par Fourier le 30 octobre 1826. Les travaux sont jugés dignes d’être publiés et le manuscrit est confié à Cauchy…qui, affairé à d’autres taches, le met dans un tiroir et l’oubli.
Paris fait la misère d’Abel qui se voit contraint de quitter la France pour aller à Berlin où on lui offre un poste de professeur. Mais il aura emporté avec lui, maladie de la misère, la tuberculose. Les premiers symptômes se font sentir dès janvier 1829 et Abel meurt à 26 ans le 6 avril 1829. Vous pourrez bientôt retrouver dans notre boutique le livre consacré à N. H. Abel par Lucas de Peslouan en 1906 (voir photo d’illustration).
Peu avant sa mort Abel a publié un court article qui résume le Mémoire (oublié) de Paris dans lequel il expose le théorème d’addition auquel il a laissé son nom. Le manuscrit du Mémoire de Paris a un destin singulier, il est introuvable quand en 1832 Holmbroe veut éditer les œuvres complètes d’Abel. Il ne sera retrouvé (et imprimé) qu’en 1841 par l’Académie puis de nouveau perdu…Et ce n’est qu’en 2000 que le manuscrit original sera reconstitué à la bibliothèque Moreniana à Florence !
Les travaux d’Abel seront poursuivis par Evariste Galois (1811-1832), mathématicien français au destin similairement tragique. Il meurt lui aussi très jeune et lui aussi verra la seule copie manuscrite de son Mémoire majeur perdu par l’Académie des Sciences…